A-t-on raison de favoriser la conscience politique au divertissement, ou inversement ? La réponse appartient sans doute à chacun et voici les éléments sur laquelle on base la notre. Dans l’un ou l’autre cas, la cohérence est de mise car c’est toute la crédibilité d’un mouvement historique qui est en jeu.
« Nique l’Etat » : une inadéquation strcuturelle entre rap & politique
Le rap en France s’est en grande partie construit dans un esprit de contestation de l’ordre établi. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison qu’il est porté par des populations marginalisées de fait, par la ségrégation géographique entre villes et banlieus; Deux heures et trois bus pour aller travailler à Paris, c’est un emmurement qui ne dit pas son nom.

Le français a rarement été parlé de manière aussi limpide que chez Le Rat Luciano, LIM ou encore NTM et bien d’autres avant et après eux. Le défaut d’intégration que certaines personnalités politiques brandissent comme étendard est le fait de l’Etat et non des populations visées.
Comment pardonner cette hypocrisie ?
Rap & apologie du crime : pourquoi le rap ne peut se réconcilier avec la politique ?
De Lunatic qui prône la rémunération par le crime à TH qui constate être l’ennemi de l’Etat, le rap porte une opposition pure et simple au Léviathan et à ses lois les plus primaires. L’une des conséquences de la ségrégation évoquée précédemment, c’est l’illégalité comme méthode d’empouvoirment pour certains dont les rêves et les perspectives semblent incompatibles. La tristesse par défaut qu’on ressent chez PNL face à cette réalité confirme que ce choix n’en est pas un.
Encore une fois, c’est le résultat d’un défaut de l’Etat. Pourquoi ses figures se montrent-elles dans le rap si elles sont incapables d’offrir des perspectives à ceux qui en font ?
Sacrifice de poulets : histoire d’un affrontement entre rap & Etat
Qui dit crime dit police et jusqu’ici, tout va bien. Sauf que quand police rime avec racisme, bavures et injustices, c’est pas bon. Or, la police est le bras de l’Etat. Zyed, Bouna, Adama, Théo, Nahel, et tant d’autres noms sur lesquels les ténèbres ont été jetés… par ce bras. Et pourtant, le rap s’exprime à ces sujets depuis toujours.
Pas d’excuses, pas de Justice, pas de changements. Alors, comment croire que les représentants de l’Etat valident le rap ?
La vie n’est pas un monologue
Aujourd’hui, on constate une opposition entre deux camps. Ceux qui boycottent et boycotteront à vie tout ce qui participe à ce qui a été cité jusqu’ici ; et ceux qui sont prêts à ouvrir le dialogue pour que le mouvement sorte de la marginalité. Qu’il s’agisse de Booska-P, de Gims, des Flammes ou du DVM, leur légitimité n’est pas à prouver. Alors, pourquoi la présence d’Emmanuel Macron ou Rachida Dati est-elle à ce point indiscutablement inacceptable aux yeux de certains ? Doit-on vraiment diviser le monde en noir et blanc, en pour et contre ? Si le public rap se divise, qui règnera mieux ?
S’il s’emble important que le dialogue reste une option, il est primordial de bien choisir les interlocuteurs et les conditions. Ce n’est pas une mauvaise chose qu’un média à succès, créé par des jeunes issus de quartiers populaires, puisse interroger le Président de la République. Ce qui a dérangé, c’est que ce soit fait à un moment qui lui soit si favorable. Avec son évolution éditoriale, Booska-P a d’ailleurs bien montré que son intention en faveur des sujets sociétaux allait bien au-delà de cette interview. Ce n’est pas une mauvaise chose qu’une Ministre de la Culture s’invite au DVM Show ; ce qui pose problème ce sont les blagues racistes, ségrégationnistes, opportunistes, qu’elle apporte avec elle.
Rap & politique : quel jugement avoir ?
Nicolas Sarkozy a poursuivi La Rumeur pour « diffamation publique envers la police ». Médine a été traîné dans la boue par toute la droite laissant libre cours aux amalgames allant jusqu’à provoquer l’annulation de son Bataclan. Le Ministère de l’Intérieur a poursuivi le Ministère A.M.E.R. Black M s’est fait éjecter de a commémoration de la Bataille de Verdun… Combien d’autres preuves que l’Etat, ses représentants et ses aspirants refusent de laisser le rap s’exprimer ?
Dans les années 1990, une jeunesse asphyxiée peine à percevoir « le monde de demain » et le rap est alors le seul à promettre qu’il lui appartient. Le seul à dire que la Justice est corrompue. Le seul à posséder des Emmerdeurs Publics. « Rien ne change à part les saisons », il semblerait que ce dicton s’applique pour la jeunesse, tojours désespérée si ce n’est plus qu’auparavant. Mais le rap, lui, n’a-t-il pas changé ?
Ceux-ci préfèreraient massivement parler d’opulence et d’enjaillement que de sujets denses et d’engagement
Désormais au sommet d’un monde plus que jamais méchant, il semble pourtant indifférent, parfois inconscient. Bavures impunies, v*ols niés, génocides, montée de l’extrême-droite, lois racistes. Dans un tel contexte, que doit penser le public lorsqu’il voit les ennemis présumés du rap… chez les leaders du rap ?
Le réflexe compréhensible de certains est de se plaindre du manque d’engagement des artistes rap contemporains. Ceux-ci préfèreraient massivement parler d’opulence et d’enjaillement que de sujets denses et d’engagement. Ceci n’étant pas tout à fait faux, cela invisibilise la parole d’artistes comme Skefre, ADVM ou D.Ace dont les textes et la communication prouvent une conscience politique.
Enfin, le rap a toujours été le reflet de la société (et notamment, de la jeunesse) et la réalité c’est que la politique, il n’y a plus grand monde pour y donner du crédit. Mais finalement, dans un contexte où les représentants de l’Etat ne sont même plus emmerdés par le rap alors qu’ils sont toujours aussi fautifs, le goût amer que laisse leur invitation à une partie du public ne peut être que plus fort.