4 septembre 2024

La new jazz : un rap qui n’a de jazz que le nom

La new jazz : un rap qui n’a de jazz que le nom

Le rap a toujours été protéiforme et sa domination actuelle décuple les efforts créatifs de la part des artistes, pour se différencier. S’il est né au début des années 1980 en piochant dans la funk et le disco, il prendra tour à tour au jazz, à la soul, au métal… 40 ans plus tard, les termes désignant des sous-genres se multiplient : de l’évidente drill issue de la trap à l’affolante new jazz en passant par la Detroit, la richesse du rap s’étend aux yeux de certains alors que pour d’autres, ces mutations en sont l’apauvrissement.

Sur NewTone, on fait plutôt partie des premiers. Constamment à l’affût de nouvelles tendances comme la jerk qui rompent avec la lisse stagnation du rap mainstream, on décrypte ces mouvements et ces sous-genres.

Parmi eux, la new jazz a affolé la France depuis le projet du même nom du rappeur New Yorkais Lunchbox, produit par amir.pr0d.

La new jazz : ça vient d’où ?

Le genre a été popularisé par l’album de Lunchbox qui en porte le nom et dont la pochette est un emoji saxophone ; instrument qui deviendra un symbole du genre. Repoussant les limites de la trap, le genre façonné par le compositeur amir se répand vitet chez d’autres comme Dulio ou J Dolla, qui produisent notamment pour Yeat.

Attention : ceux qui espèrent du jazz seront déçus. Ce nom a été trouvé de manière irréfléchie au cours d’une discussion entièrement spontanée. Amir et Lunchbox essayaient de définir la sonorité particulière qui se dégageait des compositions, et les libertés de celles-ci, notamment sur les synthés distordus, ont provoqué un sentiment : « Dis sounds like jazz » (on dirait du jazz) se disent-ils.

L’improvisation, la multiplicité des instruments et des couches superposées, les irrégularités, sont néanmoins de véritables points communs avec le free jazz.

New Jazz, qu’est-ce que ça a de new ?

L’une des questions qui se posent, c’est : est-ce que ce n’est pas tout simplement de la rage ? Effectivement, les sous-genres et les appellations se multiplient depuis quelques temps car les artistes cherchent tous à se démarquer. Supertrap, hypertrap, ou en l’occurence new jazz, sont bien entendu des enfants de la trap.

D’ailleurs, des tracks de Yeat sont produites par des proches du créateur de la new jazz. Les filiations semblent évidentes et font penser à un moment musical plus qu’à un mouvement culturel.

On peut parfaitement remettre en cause la nécessité de les distinguer mais le fait est que le terme s’est répandu et que les artistes se l’approprient, notamment en France avec Jaymee, Dara ou encore Kid Exotic.

La new jazz en France ?

Des artistes comme Dara ou Jaymee se sont très tôt approprié le terme ; ce dernier ayant réalisé la stratégie relativement classique de la série de titres appelés « Brand New Jazz ». Néanmoins, peu osent le style sur un projet complet et c’est sans doute tant mieux car le bagage de codes est aussi faible que la difficulté d’appréciation est forte.

On notera néanmoins que le genre inspire tellement par sa novation et le renouveau qu’il donne à la place du Jazz dans le rap qu’il donnera lieu à des tapes estampillées New Jazz, par le média New Jazz France ou par le beatmaker Strike, par exemples.

Attention : ce n’est pas parce qu’il y a une tendance qu’il faut la suivre

Qu’on s’adresse au public ou aux artistes, il faut rappeler une chose. Les nouvelles tendances sont excitantes jusqu’à ce qu’elles soient reprises abusivement. On l’a vu avec la jersey drill : la capacité des artistes à utiliser une rythmique et à la détacher des codes culturels dans lesquels elle s’est développée peut signer la mort d’un mouvement. Seule une adéquation sincère entre l’artiste et le genre proposé peut résulter en une musique durable.

Jusqu’ici, la new jazz semble être trop précise et restrictive pour être exploitée sur un projet comme la trap qui en est le parent. Ainsi, Jaymee a su s’en détacher sur ses projets consécutifs, ne s’enfermant pas dans le genre. A l’inverse, des artistes comme Mandyspie posent naturellement sur des prods du genre, sans pour autant s’en revendiquer.