Excitant, pertinent, ambitieux ; mais est-ce un projet durable ?

3 ans après son premier projet, Ino Casablanca vit déjà comme un second souffle avec TAMARA qui s’est subitement imposé comme l’un des projets à écouter aboslument en début 2025. La sortie du très bon clip de F*CK LARR quelques semaines plus tôt a hypé tout le monde, et moi compris.

Dans ce projet de 10 titres, on a une base hyper réjouissante, celle d’un rappeur à l’écriture et aux placements singuliers qui pose sur des prods qui ont toutes un groove très entraînant. Ce fameux « NOUVO GROOVE » est un genre de mélange d’influences latines et maghrébines. On retrouve susccessivement des influences salsa, baile, bouyon, orientales. Dit comme ça, ça pourrait rebuter mais la magie opère et on a un résultat relativement jouissif à l’oreille. A noter qu’Ino Casablanca est derrière la totalité des compositions, à l’aide d’un bassiste-guitariste sur certains titres. On a vraiment la confirmation de cette théorie selon laquelle un rappeur-producteur a une meilleure capacité à imposer une innovation équilibrée.

Le côté jouissif du projet se renforce par l’interprétation, marquée par des placements à la TH et des mélodies à la TIF, si je dois être un peu grosser. L’ensemble, avec une vraie patte lyricale et une signature convaincante en termes d’attitude. Des petites choses simples, comme « Tu m’juges comme si j’étais toi » indique qu’Ino arrive à se réapproprier des poncifs universels tout en proposant quelque chose.

Maintenant, j’ai des réserves. Dans quelle mesure ce projet est véritablement excitant pour un gars comme moi qui s’excite de la singularité ? L’artiste le dit clairement : il ne veut pas faire de la musique de niche, il veut être une star. Et cette ambition, on la sent dans des écarts musicaux aux tracks 3, 4 et 9 qui témoignent d’une intention pop.

Attention, les sons sont loin d’être mauvais. Mais là où j’avais envie de découvrir un projet rap un peu innovant, je me retrouve ramené au pragmatisme d’un artiste qui place ses pions pour écrire une carrière mainstream. Sans ces tracks, j’étais sur un no-skip hyper cohérent et durable.

Ceci dit je dois nuancer. Je suis biaisé car en France, les artistes les plus intéressants ont tendance à basculer très rapidement soit dans un cycle industriel inaudible (coucou Gazo) soit dans un ego confondant (coucou Damso, Ateyaba). Et voilà, maintenant je suis littéralement traumatisé par ces schémas qui se répètent d’artistes qui me déçoivent et je crois que je suis juste en train de projeter ça sur Ino. Parce que si je fais le bilan du projet, il a tout ce qui compose les carrières de mes artistes favoris (Kanye, Childish Gambino, JMSN…) :

une écriture simple mais personnelle, avec des valeurs ; une liberté musicale seulement limitée par l’harmonie nécessaire à la qualité ; une composition ambitieuse et hybride, mêlant les influences et les instruments.

Bref, beaucoup de mots pour dire que j’ai trouvé que c’est un très bon projet, mais que la suite m’effraie autant qu’elle m’excite.